Revue de Presse

Publié le 12 / 03 / 2024
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Flambée du prix du cacao

#1 Pourquoi assiste-t-on à une envolée spectaculaire des cours du cacao ?

Depuis 2019, nous achetons en moyenne le cacao à 4200 USD/T. Quand le cours de bourse dépasse notre prix équitable, nous achetons le cacao selon la règle du Label des Producteurs Paysans : Cours de bourse + 850 USD/T.

Après une chute brutale de 30% en 2017, de 3000 USD/T à 2000 USD/T, les cours internationaux du cacao ont oscillé durant 7 ans autour de 2300 USD/T. De nombreuses études ont montré que ces prix trop bas ont maintenu les deux tiers des producteurs d'Afrique de l'Ouest en dessous du seuil de pauvreté. Pour assurer un revenu décent aux producteurs de cacao, il est avéré qu'un prix de 4000 à 5000 USD/T aurait été nécessaire.

Sur les marchés à terme de Londres et de New York, les cours de la fève de cacao ont connu une hausse continue depuis l'été 2023 et une envolée spectaculaire depuis le début de l'année 2024, pour atteindre le record absolu fin février de 6500 USD/T et pulvériser le score historique de 5500 USD/T en 1977. En un an, les cours du cacao auront été multipliés par 2,8. Cette tendance haussière s'explique par une très mauvaise récolte en Afrique de l'Ouest, principalement due à des conditions météorologiques peu favorables avec de fortes pluies suivies d'une période trop sèche en 2023. Dans ces conditions, les plantations vieillissantes et menées en monoculture ont connu de fortes attaques des maladies du cacaoyer, comme le swollen shoot et la pourriture brune.

Dès les premiers comptages de fleurs des cacaoyers au mois de mai 2023, la mauvaise récolte d'octobre à décembre était annoncée. La décision de la Côte d'Ivoire de suspendre exceptionnellement ses ventes anticipées au mois de juillet a contribué à accélérer la hausse des cours. En cours de saison, la baisse des rendements s'est confirmée. Les chiffres publiés en début d'année montrent que fin janvier 2024, les arrivées de cacao aux ports sont de 35% inférieures à l'année précédente en Côte d'Ivoire et au Ghana.

Comme les deux pays représentent 60% de la production mondiale de cacao, cette baisse de l'offre génère un déficit sans précédent sur le marché du cacao.

Les stocks internationaux de cacao ayant diminué au cours des dernières années, les tensions conduisent forcément à un déséquilibre entre offre et demande et à une hausse spectaculaire des cours.


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#4 Les producteurs de cacao vont-ils s'enrichir ?

Productrice de la coopérative FECCANO - Haïti

Si les producteurs de cacao vendent leur récolte entre 4000 et 5000 USD/T, peut-on dire pour autant qu'ils s'enrichissent ?

De nombreuses études situent le prix durable aux producteurs (Living Income Price) aux alentours de 3000 à 3500 USD/T. Ce prix est celui pratiqué par Ethiquable au cours des dernières années, soit un prix FOB aux coopératives entre 4000 et 4500 USD/T.

Le marché permet enfin aux producteurs d'atteindre ce fameux revenu décent que de nombreux acteurs de l'industrie du cacao appelaient de leurs vœux, tout en estimant que la réalité du marché dans les pays consommateurs ne pouvait pas supporter un prix aussi élevé.

Au moins, la situation actuelle a-t-elle pour avantage de démontrer que cette limite n'est pas réelle, puisque les mêmes qui disaient jusque-là qu'il serait impossible de payer le cacao à sa juste valeur, achètent aujourd'hui le cacao à presque trois fois le prix de l'année dernière.

Dans le monde du cacao, les paysans ont une expérience concrète et historique de la volatilité des prix. Ils savent qu'une année sur 7 ou sur 10, les prix du marché s'envolent, leur permettant une rémunération exceptionnelle.

Ces courtes périodes sont le plus souvent mises à profit pour capitaliser, pour préparer l'avenir. Les familles achètent une parcelle, améliorent l'habitat ou acquièrent une bicyclette ou une moto. Ils savent que les prix hauts ne durent jamais très longtemps et qu'après la hausse viendra la baisse qui peut, elle, durer assez longtemps.

Le véritable problème du marché du cacao est comment garantir une stabilité, un prix toujours suffisamment rémunérateur pour couvrir les coûts de production d'une agriculture qui respecte la nature et assurer un revenu décent à la famille.

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#8 Quel va être l'impact pour les consommateurs ?

Faisons un calcul simple pour évaluer l'impact de la hausse du cacao sur le coût d'une tablette. Imaginons une tablette de chocolat noir avec 75 % de cacao sans beurre de cacao ajouté pour simplifier.

Début 2023, le cacao coûtait 2400 USD/T. Il revient aujourd'hui à 6000 USD/T, donc 3400 USD/T de plus. Avec un rendement de 80 % de fèves pour fabriquer de la pâte de cacao, le coût du cacao dans cette tablette 75 % de cacao passe de 0,23 € par tablette à 0,53 €, donc une hausse de 0,30 € par tablette.

En réalité, avec les jeux des marges des fabricants et des distributeurs, cette hausse des cours va générer une augmentation de prix au consommateur d'au moins 0,5 € par tablette. Dans votre magasin, la tablette de chocolat noir conventionnelle de la marque de référence du rayon affichée aujourd'hui à 1,50 € passera à plus de 2 €.

Dans le cas d'une tablette Fairtrade bio, le coût du cacao passe de 2950 USD/T début 2023 à 6550 USD/T aujourd'hui (pour mémoire : prix de bourse à 6000 USD/T + prime bio-équitable de 550 USD/T). Le coût du cacao dans votre tablette passe de 0,27 € par tablette à 0,60 € par tablette, donc une hausse de 0,33 € par tablette. Une hausse finalement similaire à celle du chocolat conventionnel. Une tablette de chocolat bio Fairtrade de la marque d’une grande chaîne de supermarché proposée à 1,30 € pourrait ainsi passer à plus de 1,80.

Pour une tablette Ethiquable, la différence est moindre, car notre prix d'achat du cacao en 2023 part de moins bas. Le coût passe de 4400 USD/T à 6850 USD/T (pour mémoire : prix de bourse à 6000 USD/T + primes du label Producteurs Paysans de 850 USD/T).

L'impact de la hausse du prix au consommateur de la tablette de chocolat noir 75 % Ethiquable est minoré avec seulement 0,22 € contre 0,50 € de la tablette conventionnelle et 0,33 € de la tablette Fairtrade bio. Mais il est quand même considérable si on se place du point de vue du consommateur.

Les prix aux consommateurs vont donc considérablement augmenter prochainement. Les grandes marques vont cependant appliquer les hausses avec un certain temps de latence, car elles ont acheté leur cacao d'Afrique de l'Ouest (50 % de la récolte mondiale) au prix de l'année dernière. Les géants du cacao fortement présents en Côte d'Ivoire et au Ghana ont acheté plus d'un million de tonnes de cacao à un prix autour de 2600 USD/T contre un prix du marché actuel à 6000 USD/T. Une telle situation explique pourquoi les grandes marques parviennent aujourd'hui à ne pas augmenter et à maintenir leurs prix de vente consommateur. Leur position privilégiée sur le marché de Côte d'Ivoire contribue à consolider et à entendre leur assise sur le marché.

Les hausses du chocolat bio ne connaîtront que très peu d'effets de retard. En effet, mis à part l'impact des stocks habituels de maximum 6 mois de consommation, le cacao bio provenant principalement du Pérou et de République dominicaine est directement concerné par l'envolée des cours du cacao et ce, dès la récolte actuellement en cours. Le cacao bio de Côte d'Ivoire ou de Ghana acheté à plus bas prix ne représente qu'un faible volume.

Rappelons-le, le marché du chocolat se caractérise par une forte décorrélation entre le prix des produits chocolatés aux consommateurs et les prix du cacao sur le marché mondial.

Les barres et les tablettes de chocolat ont pris beaucoup de valeur au cours des dernières décennies avec un cacao resté pourtant quasi stable. Le phénomène est amplifié par une nette diminution de la part de cacao dans les produits chocolatés et l'accroissement des dépenses en R&D, marketing et publicité des grandes marques. (La face cachée du chocolat, Le Basic 2020(link is external)).

L'importance de la hausse du cacao tend aujourd'hui à mettre à l'épreuve ce principe de décorrélation entre prix des fèves de cacao et prix du chocolat pour le consommateur. La part du cacao dans le prix des tablettes de chocolat n'étant généralement que de 5 % à 10 %, le triplement du prix mondial du cacao ne va pas provoquer un triplement du prix de la tablette, mais tout de même une hausse de 30 ou 40 %, ce qui est considérable.

La vraie question est de savoir si une telle hausse du prix d’une tablette de chocolat va demain provoquer une baisse de la demande. Dans un article des Échos paru fin janvier 2024, Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à Paris-Dauphine, considère que le chocolat n'est pas un bien essentiel et qu'on peut donc aisément s'en passer. Les hausses actuelles devraient donc finir par avoir un effet correctif sur la consommation.

Il est vrai qu'aujourd'hui, le cacao est présent dans toute sorte de produits industriels : glaces, yaourts, biscuits… Ce qui était à l'origine un ingrédient noble, un produit de terroir aux profils aromatiques complexes comme le vin ou le café, est aujourd'hui intégré par l'industrie comme ingrédient peu cher.

Nous consommons du cacao au quotidien sans même nous en rendre compte, sans lui reconnaître la valeur qu'il contient, le savoir-faire qu'il mobilise et l'importance de travail qu'il suppose.

 

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